Seul sur Mars il y a cent ans
Le film Seul sur Mars pose de nombreuses questions sur l’exploration future de la planète rouge, notre fascinante voisine. Issu d’un roman de hard-science, cette branche de la SF qui tente de « coller » de la manière la plus réaliste possible aux possibilités scientifiques, le film nous renvoie à la fois aux immenses difficultés d’envoyer un homme sur Mars, mais aussi aux non moins incroyables ressources que peut déployer un homo-sapiens dans des situations extrêmes.
Quel pourrait être l’état d’esprit d’un être humain exilé sur une planète lointaine, sans espoir, ou presque, de retour ? Si le cycle martien de Gustave Le Rouge, que nous avons republié cette année, Le Naufragé de l’espace et L’Astre d’épouvante (parus d’abord sous les titres Le prisonnier de la planète Mars et La Guerre des vampires) est bien éloigné, scientifiquement parlant, des prévisions de la NASA, l’approche psychologique de son personnage principal, le jeune ingénieur Robert Darvel, est intéressante.
En d’autres termes, si l’environnement scientifique et martien du cycle n’est pas des plus réalistes, il demeure une composante qui, dans toutes les situations de survie extrêmes reste la même : la nature humaine.
Car, de toutes les difficultés qu’un naufragé de l’espace aurait à surmonter pour assurer sa survie sur la planète rouge, la principale, comme le soulignent beaucoup de commentateurs, est sans doute d’ordre psychologique. Ce que Gustave Le Rouge a bien compris.
Comme le personnage principal de Seul sur Mars, Robert Darvel a un bagage scientifique suffisant pour comprendre, presque d’emblée, sa situation et tout ce qu’elle implique en termes de survie. Et ce même bagage comporte les solutions à ces mêmes difficultés, à la condition d’y consacrer temps et énergie. Les clefs de la survie : la science en marche, guidant les actions du naufragé, et la poursuite obstinée de cette marche, quoi qu’il arrive.
Les romanciers l’ont bien compris, puisant dans les expériences d’Alexandre Selkirk ou des explorateurs des pôles, ceux-là même qui sans doute ont connu les situations de survie les plus extrêmes sur terre. De Robinson Crusoë aux naufragés de l’Île mystérieuse, science et technique permettent de reprendre le contrôle d’un environnement à priori hostile, à y aménager un havre où se retrancher à l’abri du danger, et d’y organiser sa survie en réinventant les ressources de l’agriculture ou de l’élevage.
Car les explorateurs ne sont pas de la même pâte que la plupart de leurs contemporains. Ils sont prêts à de grands sacrifices pour arracher un peu de connaissance à des terres hostiles, armés seulement de leur raison et d’un équipement technique bien pensé. Et si le voyage tourne mal, ils se retournent vers leur esprit, dominant pour un temps la peur de la mort, organisant leur survie, planifiant leurs espoirs. C’est ainsi qu’ont pu se réaliser d’extraordinaires exploits dans le passé, de la traversée du capitaine Blight (celui des révoltés du Bounty, oui, abandonné dans une barque par l’équipage avec seulement quelques vivres, et qui s’acharna si bien à survivre qu’il parvint à retourner en Angleterre pour demander la condamnation des mutins…) à l’incroyable odyssée de l’explorateur Ernest Shackleton aux portes du XXe siècle.
Ces hommes et ces femmes d’airain (pensons à l’incroyable voyage de 13 ans d’Alexandra David-Néel), portées par une soif de savoir hors du commun, ont ouvert la voie de l’exploration, celle-là même qui permet un roman et un film tel que Seul sur Mars. Ils ont montré, souvent à leur corps défendant, les ressources psychologiques et techniques nécessaires à la survie, et tracé une voie.
Car l’enjeu d’un séjour sur Mars, ce n’est pas tant la psychologie de chacun que la dynamique d’un groupe humain qui peut tourner au drame. Dans des situations d’éloignement extrême, de danger imminent sans pouvoir compter sur le reste de l’humanité, le risque est celui de l’implosion du groupe ou de la mutinerie.
Le plus bel exemple nous est fourni par Christophe Colomb, sans doute l’un des explorateurs à avoir le mieux approché les conditions d’un voyage sur Mars : il a emmené trois navires chargés d’hommes sur un océan mystérieux, à la recherche d’un chemin dont il ignorait tout, pour un voyage dont la durée même lui était inconnue ; et il dut faire face à une mutinerie.
Ainsi, le dispositif le plus avancé en matière de survie, un cerveau bien fait, semble être aussi le plus sujet aux risques encourus dans toute petite société humaine, celui de la collectivité… Et là encore, Robert Darvel et son aventure ne contrediront pas ce point ! Pour le vérifier, découvrez les deux ouvrages du cycle martien : Le Naufragé de l’espace et l’Astre d’épouvante.
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