Elémentaire ! L’éternel retour de Sherlock Holmes (3e article)
Le jeu des attributs de Sherlock Holmes, que nous évoquions dans un précédent article, se combine à l’infini dans l’esprit des créateurs et scénaristes qui s’acharnèrent, et s’échinent encore, à rendre le mythe immortel.
Car, si la première tentation des auteurs qui ont succédé à sir Arthur Conan Doyle a été de conserver la silhouette de Holmes telle que définie par le maître et les adaptations graphiques et théâtrales que nous avons évoquées, cela ne pouvait pas durer.
D’autant que le cinéma s’était emparé du mythe.
Dans ces adaptations classiques, cependant, un fruit étrange et savoureux fait les délices des cinéphiles depuis longtemps : l’adaptation du « Chien des Baskerville » par la célèbre compagnie anglais de production de films d’horreur : la Hammer. Première adaptation en couleurs du roman de Doyle demeure l’une des perles d’un catalogue éclectique et délicieusement « décalé », sur lequel nous reviendrons sans doute, à un moment ou à un autre de nos pérégrinations dans les méandres de la littérature populaire et fantastique.
L’intérêt du film, à vrai dire, ne provient pas de la qualité intrinsèque de l’adaptation : si elle demeure globalement fidèle dans sa trame au roman, le coupable et son mobile sont différents (faut-il y voir une volonté de surprendre le public ?).
Ce qui fait le prix de ce film est ailleurs.
C’est, d’une part, son atmosphère particulière, « gothique » pourrait-on dire ; il porte la marque de fabrique de la Hammer. Tout dans les décors, l’éclairage, les acteurs et le jeu évoque les précédentes productions de la firme britannique, qui a ses propres studios au bord de la Tamise. Le film se situe dans l’âge d’or de la maison de production, dominé par le réalisateur Terence Fischer et le couple d’acteurs Christopher Lee et Peter Cushing. Car si les deux artistes forment l’éternel casting des adaptations de Dracula produites par la Hammer, on les retrouve également dans ce film « à part ».
Si le jeu de Peter Cushing n’est pas méprisable, tant s’en faut, dans le rôle de Sherlock Holmes, qui pour la circonstance réunit tous les attributs du célèbre détective, on en regretterait cependant presque que Christopher Lee se contente du rôle du dernier des Baskerville.
Presque, parce que trois ans plus tard, le même Terence Fischer dirige à nouveau l’acteur dans une adaptation du roman de Conan Doyle « La vallée de la peur » — Le film sera intitulé « Sherlock Holmes et le collier de la mort ». Mais ici (trois ans après « Le chien des Baskerville »), Lee incarne le célèbre détective.
Quoi qu’il en soit, on ne peut que se régaler devant le cocktail sympathique concocté par la Hammer.
Achevons cette première parenthèse en précisant que Christopher Lee n’en avait pas encore fini avec le célèbre détective, puisqu’il incarna plus tard (1970) l’autre Holmes, Mycroft, dans le délicieux film « La vie privée de Sherlock Holmes » du génial Billy Wilder. Si nous retrouvons un détective parfaitement conforme au modèle, le scénario, brillant par ailleurs, nous entraîne dans une relecture irrévérencieuse du mythe qui annonce déjà (notamment dans les vingt premières minutes du film) le Sherlock Holmes de David Ritchie illuminé par le couple détonnant Robert Downey jr. et Jude Law.
On doit au cinéma deux autres perles que je ne puis passer sous silence :
Le film de Nicolas Meyer de 1976, « Sherlock Holmes attaque l’Orient-Express » (titre français, le titre original du film étant « La solution à 7 % »). Là encore le détective génial a tous ses attributs, et l’on y retrouve quelques personnages annexes, que nous n’avons pas encore évoqués ; cette fois le film confronte le détective à Sigmund Freud dans un premier temps, le docteur Watson tentant de guérir son ami de son addiction à la cocaïne (que le détective prend en solution à 7% pour tromper son ennui, d’où le titre original du scénario, du film et du livre tiré du scénario) avec l’aide du père de la psychanalyse. Le film, souvent brillant, nous montre cependant que le mythe cache en réalité bien autre chose ; il s’inscrit dans la mouvance des continuateurs d’Arthur Conan Doyle qui ont tenté de « combler » les trous dans la biographie du détective, les zones d’ombres et les allusions trop vagues distillées par l’auteur au fil des enquêtes de Holmes.
Enfin la contribution de Steven Spielberg à la filmographie mouvementée de Sherlock Holmes : « Young Sherlock Holmes », (1985, « Le secret de la pyramide » en Français) réalisé par Barry Levinson et produit par Amblin, la compagnie de Spielberg. Le scénario diverge là du « canon », puisqu’il fait remonter l’amitié de Watson et Holmes au lycée. Cependant la dynamique du couple est déjà mise en place, et l’idée n’est pas si incongrue puisque Holmes lui-même nous apprend, dans la nouvelle « le Gloria Scott », qu’étudiant il enquêtait déjà…
Pendant ce temps, la télévision préparait ses armes, et la machine à écrire ne tarissait pas…
Je suis ravie de vous voir évoquer ‘La vie privée de Sherlock Holmes’ et ‘Le secret de la pyramide’, mes deux adaptations holmésiennes (cinéma) préférées !
Merci pour cette série d’articles 🙂
Avez-vous vu « La solution à 7 % » ? Par bien des aspects (notamment la « déconstruction » du mythe) ce scénario rejoint « la vie privée… »